Boris Foucaud Consultant

Disruption : une stratégie risquée ?…

disruption

La disruption ? C’est la rupture avec un système établi. En communication, l’agence TBWA s’en est fait une griffe de fabrique. Cependant, la disruption peut dépasser la communication pour devenir une véritable stratégie marketing… Risquée, pense-t-on, mais pouvant être terriblement efficace. Un exemple : l’innovation disruptive.

Innovation : continuité ou rupture ?

Une entreprise a pour but de croître. Immédiatement, ceci évoque un processus long et continu. Pour autant, ceci est illusoire, car une entreprise doit aussi innover pour croître. Dans le cas contraire, la concurrence s’en chargera. Cette innovation est une rupture dans la continuité.

Il est plus « facile » d’innover lorsqu’une marque est en création. C’est le principe de la start-up, pour laquelle le business model va correspondre parfaitement au produit innovant. Il n’y a aucune remise en cause de l’existant. À l’inverse, une entreprise statutaire, parfaitement installée dans son marché, prend paradoxalement autant sinon plus de risques à innover. Parce qu’elle se met en position de disruption.

Disruption : avantages et inconvénients

Selon une étude d’Hamberg de 1996, Essays in the Economics of Research & Development, 20 des grandes inventions issues de l’après-guerre sur 27 ont été créées par des entreprises non établies sur leur marché. L’indice est grand de penser que l’innovation est complexe lorsqu’on fonctionne selon une stratégie éprouvée. Pourquoi ?

Disruption et innovation : un genre spécifique d’innovation

Pour autant, on le sait tous, l’innovation reste au cœur des entreprises. Mais toute innovation n’est pas, malgré les apparences, disruptive.

Ryan Air lance des moyens courriers low cost. Un aller-retour Paris-Dublin pour 100 €, c’est possible. Est-ce innovant ? Sans conteste, oui. Est-ce une innovation disruptive ? Sans conteste non. Pourquoi ?

Parce que le business model de Ryan Air est un système préexistant transposé à un secteur. Et que les vols low cost sont facilement copiables par les autres concurrents (Easy Jet, Transavia, Vueling, Condor…)

La disruption se reconnaît à différents points :

Innovation par la disruption : quelques clefs de réussite

L’intérêt de l’innovation disruptive est qu’on la voit rarement venir. Et que lorsque les leaders d’un marché s’aperçoivent de la réussite d’un produit disruptif, c’est trop tard : ils ne peuvent adapter leur offre au nouveau marché.

La complexité de la mise en vente de produits disruptifs provient de deux facteurs :

Logique de l’innovation par la disruption

Pour cela, on part de la cible, comme toujours en termes de marketing ou de développement (thèse de Christensen) :

Selon les réponses que l’on peut apporter à ces problématiques, on peut améliorer les probabilités que le produit innovant et disruptif se vende bien :

Tout ceci est une polémique traditionnelle, car, comme dans toute disruption qui se respecte, on prend les thèses traditionnelles à contre-pied :

Disruption : qui a raison, le concepteur ou le client ?

La conception du produit revient à la recherche et développement, et au marketing. Sont-ils plus dans le vrai que la demande du marché ?

Force est de constater que technologiquement, ce sont les ingénieurs qui l’emportent.

Qui connaît Shuji Nakamura ? Son histoire est pourtant passionnante, à tel point qu’il est Nobel de physique en 2014. Son innovation disruptive ? La diode LED bleue. Pourquoi est-ce une innovation majeure ? Parce qu’on savait produire des LED vertes et rouges. Mais qu’avec la LED bleue, on a révolutionné le champ des possibles en matière d’imagerie : vert + rouge + bleu = toutes les couleurs du spectre visible. Les répercutions technologiques et sociétales ont été insondables, allant se nicher jusque dans votre téléviseur à écran plat…

La rupture technologique est toujours issue de l’offre, rarement de la demande. Dans la moitié des cas, aucune étude de marché n’est faite lors de la mise en vente du produit. Ainsi sont nés les PC, les téléphones portables, les lecteurs de CD, les GPS, etc.

Mais le courant inverse existe aussi dans le monde de la disruption. Par exemple, Kodak n’a pas pris la mesure de l’émergence de l’appareil photo numérique qui correspondait parfaitement au besoin du marché. Posséder toutes ses photos immédiatement, gratuitement une fois l’appareil acheté, de manière illimitée, sans passer par la case achat de pellicule, développement et désillusion face à des photos surexposées ou bougées, c’était un rêve inaccessible. Kodak n’y a pas cru… Sony, Nikon et Canon l’ont fait…

Trois étapes pour une disruption réussie

Ainsi, la complexité provient du phasage long de la mise en place d’un processus de croissance :

De nombreuses études démontrent ainsi qu’une innovation disruptive doit être de 5 à 10 fois plus performante que l’offre de référence pour pouvoir pénétrer un marché durablement. Ce fut le cas des processeurs Intel, ou des marques ayant mis sur le marché l’IRM face au scanner traditionnel.

L’innovation disruptive doit, donc, pouvoir s’adapter et s’améliorer au fil du temps pour s’ancrer dans un marché. Avantage : elle est plus accessible à une entreprise nouvelle qu’à une major. Inconvénient : elle demande du temps et des moyens. Mais en définitive ni plus ni moins que pour n’importe quel autre type de produit en termes de risques.

Simplement, l’approche stratégique est, elle-même, totalement inscrite dans la disruption.

 

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